L’IA washing : promesse creuse ou opportunité déguisée ?

Qu’est-ce que l’IA washing ?

L’IA washing, c’est l’art de prétendre avoir intégré de l’intelligence artificielle dans un produit ou une application – pour impressionner, pour lever des fonds, pour renforcer une image de marque – alors qu’en réalité, soit l’IA n’est pas là, soit elle n’a aucun impact réel sur la valeur du produit.

Prenons des exemples concrets. Il peut s’agir d’une application de retouche photo qui se vante d’un moteur d’IA mais qui repose seulement sur des filtres classiques. Ou encore, un chatbot qui se dit “IA-powered” alors qu’il suit simplement des scripts. Ou bien un outil de prédiction qui affiche un label IA sans modèle réel ou avec un modèle qui ne fonctionne pas.

À court terme, cette stratégie peut séduire. Elle embellit un CV, rassure des investisseurs qui voient dans l’IA un label d’innovation. Mais à long terme, la crédibilité s’effrite : les utilisateurs finissent par voir que l’IA n’a aucune valeur réelle et l’IA washing coûte cher en image et en confiance.

Le rôle du CTO face à l’IA washing : vigilance et alignement

Pour un CTO, l’IA washing est un signal d’alerte. Les talents en IA cherchent des projets sérieux, où l’intelligence artificielle a un impact réel et mesurable. Une réputation peut être entachée lorsque les promesses IA ne tiennent pas. Cela crée un décalage entre la vision technique du CTO, tournée vers l’exigence et la crédibilité, et les promesses marketing trop ambitieuses.

Le CTO, lui, voit l’IA comme un game changer. Elle peut révolutionner la roadmap produit, créer de nouveaux services et améliorer l’expérience utilisateur. Pour cela, il est prêt à monter en compétence, à comprendre, à tester, à apprendre, toujours dans le but d’apporter de la valeur. Mais quand la promesse IA est creuse, quand elle n’a aucune justification technique, le CTO se retrouve piégé. Il doit se demander à quoi bon investir du temps et des compétences si ce n’est que du marketing. Comment convaincre les équipes de s’impliquer si la proposition de valeur est illusoire ?

Il y a pourtant des signaux d’alerte clairs. Il faut se poser les bonnes questions : le produit a-t-il vraiment besoin de l’intelligence artificielle ? Les performances promises sont-elles mesurables et vérifiables ? L’équipe a-t-elle les compétences nécessaires ou se contente-t-elle de buzzwords ? Oui, à court terme, l’IA washing peut rapporter : un CV plus impressionnant, des investisseurs plus enclins à signer. Mais à long terme, on se ment à soi-même, tandis que d’autres équipes montent en compétences, créent des solutions à impact réel et avancent.

Adapter ou construire : les choix stratégiques pour contrer ce phénomène

Construire une IA solide dès le départ

Quand le produit est encore jeune et que l’équipe est ouverte, le CTO peut choisir de partir de zéro pour construire une IA solide et pertinente. C’est une chance unique : pas de dette technique, pas de marketing qui impose une vision biaisée. Tout est à faire. Dans cette situation, le rôle du CTO est d’identifier les vrais problèmes à résoudre et de créer une feuille de route claire : quels use cases IA peuvent apporter une valeur mesurable ? Il doit aussi piloter la montée en compétences – la sienne et celle de l’équipe – en expérimentant de façon incrémentale, avec des POCs et des tests concrets. L’important, c’est de créer une culture d’apprentissage et de vérification : chaque feature IA doit être justifiée, chaque promesse doit être mesurable. Le CTO est à la fois garant de la crédibilité technique et moteur d’une ambition collective : faire de l’intelligence artificielle un atout, pas un buzzword.

Adapter un produit existant : auditer et hiérarchiser

Il arrive souvent que le CTO prenne ses fonctions alors qu’un produit existe déjà, avec ses promesses IA – parfois réalistes, parfois exagérées. Ici, le défi est d’adapter et de faire évoluer sans tout casser. Cela commence par un audit honnête : quelles fonctionnalités IA sont crédibles ? Où est la valeur réelle ? Ensuite, il faut hiérarchiser : prioriser les chantiers qui peuvent apporter un impact immédiat et écarter les gadgets sans ROI. Le CTO doit aussi s’assurer que l’équipe est formée pour comprendre les enjeux IA et que le langage autour de l’IA est partagé par tous – marketing, produit, business. Son rôle, c’est de poser des bases techniques solides et d’aligner la vision : pas d’IA sans données fiables, sans modèle adapté, sans suivi précis. C’est un travail de diplomatie et de rigueur, pour transformer un rêve flou en avancées concrètes.

Quand la promesse IA est un leurre

Parfois, la seule option est de fuir. Quand l’intelligence artificielle est utilisée un simple label marketing par l'entreprise, sans aucun use case crédible ni volonté réelle de construire, le CTO doit savoir dire non. Il doit alerter sur les risques : un projet IA creux peut entacher la crédibilité de l’équipe et gaspiller des ressources précieuses. Il faut documenter les limites techniques et les partager avec les décideurs. Et si les signaux d’alerte persistent – pas de roadmap IA sérieuse, pas de compétences internes, pas d’écoute – partir devient un choix rationnel. C’est une question de crédibilité professionnelle et de respect pour les équipes. Fuir, dans ce cas, ce n’est pas abandonner : c’est refuser de cautionner un projet vide de sens et de protéger la qualité de son travail et celle de ses collaborateurs.

Conclusion : faire de l’IA un véritable levier tech, pas un artifice marketing

L’IA washing n’est jamais une bonne pratique, ni pour la boîte, ni pour le CTO. Mais ce n’est pas non plus une raison pour abandonner l’idée d'utiliser de l'IA. Un projet mal parti peut devenir une vraie opportunité pour l'entreprise si on prend le temps d’identifier les leviers de valeur, de former les équipes et de donner du sens à la démarche.

C’est ça, la vraie force de l’IA : transformer les idées en impact réel, pas juste en storytelling.

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